Chimère
2012 - acier patiné, chambre à air, cordelette, dim. : L : 1,20m, diam : 80 cm
Oeuvre réalisée avec l'aide de l'ENSBA Paris
Vue d’exposition - Jardin éphémère (Saint-Ouen)
Oeuvre réalisée avec l'aide de l'ENSBA Paris
Vue d’exposition - Jardin éphémère (Saint-Ouen)
"En découvrant Chimère, la pièce gisante de Camille Le Chatelier, on s’évade en des rêveries fécondes et on se remémore les contes de l’enfance, écrits avec malice par Rudyard Kipling (Just So Stories : for little children) ou Horacio Quiroga (Cuentos de la selva para niños), dans lesquels le tatou, la tortue, le rhinocéros, puis bien d’autres bêtes encore, sont le centre d’histoires, tour à tour drôles, curieuses et inquiétantes.
La sculpture caparaçonnée, évoque en effet un animal lové sur lui-même, dont le tégument coriace rappelle celui des reptiles chéloniens. Au premier abord, il apparaît inoffensif, protégé sous sa cuirasse de fer, dont les écailles mobiles s’articulent selon ses légers mouvements. Mais cette forme archaïque, pourrait bien receler une chose plus monstrueuse à même d’inspirer l’épouvante. C’est ce que signifient les autres contes - pour adultes cette fois - plus fantastiques et effrayants. C’est ce qu’évoquent l’odeur du caoutchouc de la chambre à air, innervée par les cordelettes noires et comprimée par les plaques de métal chauffées par le soleil ; l’inextricable boyau boursouflé que l’on aperçoit par les crevés ; la noirceur mouvante des interstices d’une kampé : cette chenille qui se pelotonne entièrement sur elle-même. Et qui nous rappelle les viscères de la “Maîtresse des liens”, éventrée : Kampé [La Courbe] dépeinte dans les Dionysiaques par Nonnos de Panopolis, telle “une nymphe du Tartare, aux ailes noires, aux écailles sombres aux griffes recourbées comme une harpie”. |
C’est ce qu’évoque aussi la tortue, dont les hibernations souterraines, ont défini la racine de son nom, du latin tartaruchus : lié au Tartare - cet univers placé sous les enfers dans les mythes grecs. Ce que Peter Young, dans The Tortoise, ramène à la “base souterraine du psychisme qui soutient tous les niveaux ascendants de la vie et de la conscience”. Et c’est en songeant à cet aspect chtonien propre aux tréfonds de la terre que notre imaginaire envisage avec effroi ce qui palpite sous cette enveloppe sidérante, ce qu’est cette vie contenue dans ce cocon patiné.
Car c’est bien là, le but recherché: susciter un faisceau d’interprétations qui puisse développer l’imaginaire de chacun. Camille Le Chatelier se réfère en cela, “à la création de chimères, à la transformation de l’inconnu en monstruosité”, à l’exemple d’Albrecht Dürer qui dessina au XVI siècle un rhinocéros d’après la description très sommaire d’un animal qu’il n’avait lui-même jamais vu." |
Fabrice Vannier, extrait du catalogue d’exposition de l’édition 2012 du Jardin Éphémère.